lundi 6 avril 2015

"T'es jolie quand tu pleures"







"Plongée dans une ombre bleutée, les meubles disparaissent mangés par les formes sombres qui découpent la chambre déjà petite en étroit boudoir. Le parquet grince, et les tréteaux en métal soutenant l'unique lit jouent sur ces minces planches de bois une discrète cacophonie. Il est tranquille, sa silhouette enveloppe celle de l'autre, il semble bien plus imposant quand elle est assise sur ses genoux. Elle est menue, au sortir de la pré-adolescence ses hanches arrondies épousent les mains qui les soutiennent, les seins encore timides pointent le bout de leur chair comme deux tâches blanches se diluant dans l'obscurité. La peur d'être entendu par la maisonnée la paralyse légèrement, il essaye de la rassurer par des gestes tendres, fait froid dans la pièce.

« Est-ce que... t'es ouverte ? »

Consternation, elle ne s'attendait pas à ce que la question soit tournée de cette manière, il se permet de préciser « en bas », ce qui ne l'aide pas plus à définir son état actuel. Comme une séance médicale, elle demeure interdite, comment savoir ? Une sphère intime dont elle ne connait pas encore bien les sensations, c'est comme essayer de s'auto-diagnostiquer, on a peur de la maladresse, et on finit par abandonner la totalité de sa personne à l'expertise du médecin. Pourtant ici il n'y a pas de médecin ici.

« Je sais pas... »

La réponse est soufflée, participant au silence pesant dans l'air, elle s'écrase à moitié au fond de sa gorge.

Le lit fait du bruit, il la couche à même le sol, précautionneux comme avec une poupée de collection, les lattes gémissent légèrement et refroidissent sa peau nue à leur contact. Elle regarde le plafond, interdite, bientôt un corps gigantesque la surplombe totalement, avalée d'un coup par son ombre, gobée comme un bonbon, sa bouche s'écarte sans laisser s'échapper un bruit. Un cri terrible de douleur, invisible, inaudible, dévoré par la peur. Un verrou entre ses cuisses qui lui torture tout le bas-ventre, aucune machine ne pourrait le forcer, elle aimerait dire à son assaillant d'arrêter, mais ne peut pas. On referme pas la porte sur la personne qu'on aime. Alors pourquoi ? Un roulement puis un autre, rien n'y fait, le loup n'arrive pas à faire tomber la maison.

Dans son lit la douleur est encore vive, le loquet se verouille dans sa tête et au creux de son ventre. Le lendemain matin il lui dira :



« Ca m'a excité quand tu as pleuré. »



Il va en falloir des litres de béthadine."


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Dans la pensée collective, les agressions sexuelles sont les faits de certains malades et divers prédateurs de la nuit prêts à vous bondir dessus, pourtant les chiffres montrent que la plupart des agressions se font par des proches, ou même dans l'intimité d'un couple, sans même qu'il y ait recours à une quelconque violence physique. Je ne tiens pas à apporter une quelconque vérité sur le pourquoi du comment la limite est parfois brisée alors même que deux personnes s'aiment ou ont une relation banale, juste une histoire qui se veut la plus honnête possible.