"Plongée
dans une ombre bleutée, les meubles disparaissent mangés par les
formes sombres qui découpent la chambre déjà petite en étroit
boudoir. Le parquet grince, et les tréteaux en métal soutenant
l'unique lit jouent sur ces minces planches de bois une discrète
cacophonie. Il est tranquille, sa silhouette enveloppe celle de
l'autre, il semble bien plus imposant quand elle est assise sur ses
genoux. Elle est menue, au sortir de la pré-adolescence ses hanches
arrondies épousent les mains qui les soutiennent, les seins encore
timides pointent le bout de leur chair comme deux tâches blanches se
diluant dans l'obscurité. La peur d'être entendu par la maisonnée
la paralyse légèrement, il essaye de la rassurer par des gestes
tendres, fait froid dans la pièce.
« Est-ce
que... t'es ouverte ? »
Consternation,
elle ne s'attendait pas à ce que la question soit tournée de cette
manière, il se permet de préciser « en bas », ce qui ne
l'aide pas plus à définir son état actuel. Comme une séance
médicale, elle demeure interdite, comment savoir ? Une sphère
intime dont elle ne connait pas encore bien les sensations, c'est
comme essayer de s'auto-diagnostiquer, on a peur de la maladresse, et
on finit par abandonner la totalité de sa personne à l'expertise du
médecin. Pourtant ici il n'y a pas de médecin ici.
« Je
sais pas... »
La
réponse est soufflée, participant au silence pesant dans l'air,
elle s'écrase à moitié au fond de sa gorge.
Le lit
fait du bruit, il la couche à même le sol, précautionneux comme
avec une poupée de collection, les lattes gémissent légèrement et
refroidissent sa peau nue à leur contact. Elle regarde le plafond,
interdite, bientôt un corps gigantesque la surplombe totalement,
avalée d'un coup par son ombre, gobée comme un bonbon, sa bouche
s'écarte sans laisser s'échapper un bruit. Un cri terrible de
douleur, invisible, inaudible, dévoré par la peur. Un verrou entre
ses cuisses qui lui torture tout le bas-ventre, aucune machine ne
pourrait le forcer, elle aimerait dire à son assaillant d'arrêter,
mais ne peut pas. On referme pas la porte sur la personne qu'on aime.
Alors pourquoi ? Un roulement puis un autre, rien n'y fait, le
loup n'arrive pas à faire tomber la maison.
Dans
son lit la douleur est encore vive, le loquet se verouille dans sa
tête et au creux de son ventre. Le lendemain matin il lui dira :
« Ca
m'a excité quand tu as pleuré. »
Il va
en falloir des litres de béthadine."
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Dans la pensée collective, les agressions sexuelles sont les faits de certains malades et divers prédateurs de la nuit prêts à vous bondir dessus, pourtant les chiffres montrent que la plupart des agressions se font par des proches, ou même dans l'intimité d'un couple, sans même qu'il y ait recours à une quelconque violence physique. Je ne tiens pas à apporter une quelconque vérité sur le pourquoi du comment la limite est parfois brisée alors même que deux personnes s'aiment ou ont une relation banale, juste une histoire qui se veut la plus honnête possible.


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